Intolérance au gluten : simple tendance ou vrai syndrome de société ?

  • Par Myriam Gorzkowski, mis à jour le 08/10/2024 à 11h10, publié le 22/02/2018 à 10h02
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Intolérance au gluten : simple tendance ou vrai syndrome de société ?

Maladie cœliaque, sensibilité au gluten non cœliaque (SGNC) et allergie au gluten sont des termes qui reviennent de plus en plus souvent à nos oreilles. Alors, la mauvaise assimilation du gluten par le corps humain, sous toutes ses formes, est-elle devenue un syndrome si répandu qui justifie que l’on s’y intéresse à ce point ou s’agit-il d’un simple phénomène de mode surfant sur la vague du ”manger sain” ?  La question mérite d’être posée.

A l’heure où les allergies et les intolérances alimentaires sont de plus en plus fréquentes, le gluten ne fait pas figure d’exception. L'intolérance au gluten, aussi appelée maladie cœliaque est d'ailleurs l'une des maladies digestives les plus fréquemment rencontrées de nos jours. Mais il existe également d'autres pathologies liées au gluten, qui sont souvent amalgamées.
 

Le gluten c’est quoi ?

Le “gluten” est un terme générique que l’on utilise pour désigner une famille de protéines que l’on retrouve dans de nombreuses céréales. La plus connue est le blé, mais il y a aussi du gluten dans l'orge, l’avoine, le seigle ou l'épeautre.

En tant que protéine végétale, le gluten contribue à diversifier notre alimentation. Il fait d’ailleurs l’objet de recherches soutenues par les pouvoirs publics pour développer des aliments à base de protéines végétales présentant de meilleures qualités nutritives.

Le gluten présent dans les farines est indispensable dans la préparation des produits de boulangerie tel que le pain. C’est notamment lui qui permet de faire lever la pâte. Le gluten donne aussi des propriétés essentielles comme l’élasticité et le moelleux à nos pâtisseries préférées. En effet, lors du pétrissage, les maillons de protéine s'accrochent les uns aux autres, ce qui va piéger les bulles de gaz produites par les levures, qui sont alors retenues par ce résistant filet.
 

Quelles différences entre l’allergie au gluten et l’intolérance au gluten ?

La majorité de la population n’a aucun souci à consommer du gluten. Pour certaines personnes en revanche, manger du gluten a des effets secondaires très désagréables voire même dangereux. Pas facile cependant de s’y retrouver entre l’allergie, la sensibilité et l’intolérance au gluten. Petite mise au point :
 

L’allergie au gluten

Comme toute allergie alimentaire, l’allergie au gluten (souvent appelée allergie au blé) est provoquée par une réaction anormale du système immunitaire qui identifie par erreur certaines protéines alimentaires comme étant des corps étrangers. Rapidement après l’ingestion, une réaction de défense se met alors en place pour combattre ce que le corps croit être un danger, provoquant des symptômes d’allergie.

Ces symptômes diffèrent d’un individu à l’autre. Il peut s’agir de réactions cutanées comme de l’urticaire, de symptômes digestifs (douleurs abdominales, vomissement, diarrhée...) ou encore de réactions respiratoires comme l’asthme. Ces réactions sont communes à toutes les allergies alimentaires. Dans les cas les plus graves, une réaction généralisée du corps peut survenir, c’est le choc anaphylactique.
 

La sensibilité au gluten non cœliaque

C'est là que ça se complique ! Dans le langage courant, l'expression "intolérance au gluten" est devenue si courante qu'elle est utilisée pour parler de deux pathologies différentes :  l’intolérance au gluten (aussi appelée maladie cœliaque) et la sensibilité au gluten non cœliaque (SGNC). Or il est important de bien faire la différence entre les deux.

La sensibilité au gluten non cœliaque (SGNC) est en fait une réaction immunitaire. Cette hypersensibilité provoque des symptômes proches de ceux causés par la maladie cœliaque et/ou du syndrome du « côlon irritable », d'où cette confusion récurrente. Les divers symptômes, qui peuvent être intestinaux ou non, se déclenchent peu de temps après l'ingestion de plats contenant du gluten.

La SGNC est plus fréquente que la maladie cœliaque. Les estimations parlent d'environ 1 Français sur 10, soit presque 7 millions de personnes. Elle est difficile à diagnostiquer car à la différence des personnes touchées par la maladie cœliaque qui présentent des lésions et des anticorps, la SGNC n'engendre pas de symptômes directement observables par des analyses. Elle peut donc facilement passer inaperçue.

Parmi les symptômes de la sensibilité au gluten non cœliaque les plus fréquents, on retrouve : les douleurs abdominales, les ballonnements, la fatigue, les maux de tête, la diarrhée ou la constipation,  les éruptions cutanées ou l'eczéma, les douleurs articulaires, la confusion mentale, l'anémie, la dépression, les brûlures d'estomac, l'anxiété ou les attaques de panique...
 

Qu’est-ce que la Maladie Cœliaque ?

La maladie cœliaque fait parler d’elle depuis quelques années. Alors que l’on utilise souvent l’expression « intolérance au gluten » pour en parler, la maladie cœliaque n’est pas une simple intolérance alimentaire à proprement parler, mais bien une réaction immunitaire, autrement dit, une maladie auto-immune. Elle est d’ailleurs héréditaire, ce qui signifie que si un membre de votre famille proche est atteint de la maladie cœliaque, vous avez 1 risque sur 5 d’en être atteint également.

Contrairement à l’allergie ou à la sensibilité au gluten non cœliaque, l’ingestion de gluten par les malades provoque une réaction immunitaire anormale dans l’intestin grêle où se crée une inflammation persistante. Cette inflammation aboutit à la production d’anticorps qui finissent par endommager la paroi intestinale et détruisent l’intestin.

Ce sont plus précisément les villosités intestinales (les plis et replis microscopiques qui permettent l'absorption des nutriments, vitamines et minéraux dans le sang) qui sont détruites. En quelques années seulement, la paroi intestinale du malade devient lisse, ce qui rend la surface d’absorption très réduite (quelques mètres carrés seulement contre 250 à 400m² chez un individu sain).
 

Les symptômes de la maladie cœliaque :

Les symptômes de la maladie cœliaque peuvent mettre des semaines, voire des années à se manifester et sont très variables d’un individu à l’autre. Si le gluten n’est pas éliminé du régime alimentaire du malade, des complications graves peuvent apparaître.
 

La dénutrition

Si l'inflammation destructrice n’est pas traitée, l’intestin endommagé n’est alors plus capable d’assimiler les nutriments et vitamines dont il a besoin et un état de malnutrition peut s’installer, malgré une alimentation tout à fait normale. La malnutrition entraîne alors une grande fatigue, des faiblesses musculaires, un amaigrissement et de multiples carences. Les malades souffrant de la maladie cœliaque peuvent également développer des intolérances au lactose, de l’ostéoporose, des calculs rénaux et de l’anémie.

Si elle n’est pas prise en compte, la maladie cœliaque peut aussi conduire à l’apparition de maladies auto-immunes et causer des complications qui ne sont pas forcément liées à l’atteinte intestinale, telles que le diabète de type I, une thyroïdite, un déficit en IgA, une hépatite auto-immune.
 

Une fatigue excessive

Etant donné que les nutriments ne sont plus assimilés correctement par l'organisme, cette maladie conduit à une anémie ferriprive, une hypoplasie de l’émail, des douleurs osseuses, de l’ostéoporose. Chez l’enfant, ces carences en fer et en calcium entraînent une prise de poids médiocre et un retard de croissance.
 

Une atteinte neurologique

Si elle n'est pas prise en charge, la maladie cœliaque peut causer différentes maladies neurologiques. Ces manifestations mettent du temps à arriver, mais elles ne sont pas bénignes. Parmi elles se trouvent : l'ataxie, la neuropathie périphérique (engourdissements), l'épilepsie, la sclérose en plaque, la pyopathie ou encore l'encéphalopathie qui mime la douleur des migraines.
 

Des douleurs musculaires et articulaires

Plusieurs études, notamment celle de l'Arthritis Foundation, viennent valider le fait que la maladie cœliaque provoque chez les malades des douleurs tant musculaires qu'articulaires.
Des réactions cutanées
Les problèmes d’absorption des nutriments essentiels causés par la maladie cœliaque affectent également la peau. Celle-ci réagit et des pathologies comme l’eczéma et la dermatite herpétiforme (DH) peuvent survenir. On observe également l'apparition de rougeurs, de démangeaisons, de brûlures ou encore de cloques.
 

Des troubles de la fertilité

Selon une étude parue dans la revue scientifique Human Reproduction Update, les femmes atteintes de la maladie cœliaque auraient deux fois plus de difficultés de procréation et un nombre de fausse-couches plus important.
 

Qui est touché ?

Il est très difficile de dire précisément combien de personnes souffrent aujourd’hui de la maladie cœliaque, à cause des symptômes non spécifiques pouvant être provoqués par d’autres pathologies. De nombreuses personnes en seraient donc atteintes sans le savoir. Il existe cependant des critères tels que la région du globe ou l’origine ethnique. Ainsi les populations caucasiennes sont les plus touchées, entre 1% et 3%, alors que la maladie semble plus rare chez les personnes d’origine africaine ou asiatique. Concernant la sensibilité au gluten non cœliaque, on estime qu’environ 6% de la population serait atteinte.

Pourquoi a-t-on l’impression que le nombre de personnes malades ou sensibles au gluten augmente ? La réponse tient à plusieurs facteurs : Premièrement, la récente mise en lumière de la maladie cœliaque a permis à beaucoup de personnes de se demander si les divers symptômes dont elles souffrent ont un lien, d’où une augmentation significative du nombre de diagnostics. Ces personnes ne savaient tout simplement pas qu’elles étaient malades jusqu’alors. Ce qui ne rend pas plus facile les estimations ! Une autre hypothèse prend en compte le fait que le blé aurait subi d’importantes modifications génétiques dans les dernières décennies afin de répondre aux besoins de l'industrie agro-alimentaire, en augmentant sa teneur en gluten. La part de gluten dans le blé a ainsi été multipliée par trois en 50 ans. Il est souvent utilisé pour ses capacités liantes et épaississantes, notamment sous la forme d’amidon et est présent dans des centaines de produits différents, car il est extrêmement économique.
 

Comment savoir si on est intolérant au gluten ?

Le diagnostic de la maladie cœliaque est souvent long et difficile à établir. En cause, la grande diversité des symptômes qu’elle provoque et le fait qu’ils n’ont pour certains aucun lien avec la maladie elle-même. Le médecin doit en premier lieu établir avec certitude qu’il ne s’agit pas de problèmes digestifs plus communs, comme un intestin irritable, une intolérance alimentaire ou une maladie inflammatoire de l’intestin.

Si ces problèmes sont écartés, commence alors un diagnostic en 3 étapes :
  1. Le test sanguin pour détecter s’il y a une présence élevée de certains anticorps (qui pourrait signifier une réaction anormale au gluten)
  2. Ensuite vient la biopsie de l’intestin grêle.
  3. Enfin la mise en place d’un régime alimentaire sans gluten test qui vient confirmer ou infirmer le diagnostic.

Pour diagnostiquer une sensibilité au gluten non cœliaque, il faudra bien souvent passer également par les tests de la maladie cœliaque ainsi que ceux de l'allergie alimentaire au gluten afin de les mettre de côté. Si ces tests ressortent négatifs et que les symptômes réapparaissent une fois la période sans gluten finie, c’est qu’il s’agit bien d’une sensibilité au gluten. Dans ce cas, la simple suppression du gluten dans l’alimentation permet une amélioration rapide, car contrairement à la maladie cœliaque, la paroi intestinale n’est pas touchée. Il existe également l'autotest Gluten AAZ pour dépister l'intolérance au gluten, mais aussi pour le contrôle de l'observance d'un régime sans gluten.
 

Comment soigner les symptômes de l'intolérance au Gluten ?

Heureusement, pour les symptômes de l'allergie, la sensibilité et l'intolérance au gluten ne provenant que de son ingestion, la simple suppression du gluten dans le régime alimentaire permet une amélioration, voire une disparition des symptômes en quelques semaines. A cette fin, on peut se tourner vers les aliments sans gluten et également remplacer la farine de blé par des farines sans gluten

En cas de maladie cœliaque, les anticorps anormalement présents disparaissent au bout d'un an environ, ce qui réduit du même fait les risques de complications. A terme, les tissus intestinaux endommagés peuvent guérir (de la même manière que des poumons de fumeurs peuvent redevenir sains au bout de plusieurs années).

Cependant l'adoption d'un régime sans gluten est différente selon que l'on souffre d'une sensibilité au gluten non cœliaque ou de la maladie cœliaque. En effet, les personnes souffrant de SGNC peuvent réintroduire petit à petit le gluten dans leur alimentation au bout de un à deux ans, en suivant les prescriptions du médecin car chaque cas est différent. Cependant, les personnes touchées par la maladie cœliaque, elles, ne peuvent plus jamais consommer d'aliments contenant du gluten, sous peine de voir réapparaître les symptômes de leur maladie. Ce régime très contraignant n’est correctement suivi que par un adulte sur deux atteint de la maladie cœliaque, d’après l’AFDIAG (Association Française Des Intolérants Au Gluten).

Si vous pensez être atteint de certains de ces symptômes, consultez votre médecin, ne supprimez pas le gluten de vous-même, car si vous deviez passer des examens pour déterminer si vous souffrez de SGNC ou de maladie cœliaque, vos résultats pourraient être faussés et ne pas déceler la présence anormale des anticorps concernés. À lire également : intolérance au lactose que manger ?