Vivre avec une stomie au quotidien

  • Par Myriam Gorzkowski, mis à jour le 04/11/2024 à 14h11, publié le 23/10/2018 à 10h10
  • Temps de lecture : ~ 0 minutes
Vivre avec une stomie au quotidien
Plusieurs maladies et traumatismes sont susceptibles de frapper les organes du système digestif. Parfois, le médecin n’a pas d’autres solutions que de créer une stomie, c’est-à-dire de faire déboucher un de ces organes, par exemple l’intestin, à travers la peau. Cette dérivation permet de pallier l’insuffisance de tout ou partie du système digestif ou de le mettre au repos. Après l’opération, les substances générées lors de la digestion, comme les selles, ne seront plus évacuées par le rectum, mais via la stomie. Elles seront recueillies dans une poche qu’il faudra changer ou vidanger lors des soins. La stomie peut être temporaire ou définitive. Pour le patient, elle représente un changement important dans sa vie, et il lui faudra un certain temps pour l’accepter. Mais si la stomie impose quelques contraintes, elle est aussi un soulagement pour beaucoup et elle ne nuit pas à la qualité de vie, au contraire. La stomie ne restreint que peu le nombre d’activités qu’il est possible de pratiquer et n’exige pas le suivi d’un régime alimentaire strict. Elle nécessite néanmoins des soins particuliers, qui peuvent être réalisés par un infirmier spécialisé, ou par le patient lui-même. Le point sur la stomie dans cette fiche avec Pharma GDD !

Qu'est-ce qu'une stomie ?

La nourriture est mastiquée dans la bouche, puis passe dans l’estomac par l’œsophage. Là, elle est réduite à l’état de pâte par les sucs gastriques et les muscles de l’estomac. Cette pâte gagne ensuite l’intestin grêle, où les nutriments qu’elle contient sont absorbés. Le résidu, ce qui n’est pas absorbé, transite dans le côlon et est évacué lors de la défécation. Le côlon permet également la réabsorption de l’eau.

Principe

Parfois, lorsqu’une partie de l’appareil digestif fonctionne mal, il est nécessaire de créer une stomie. Ce terme provient du grec « stoma », la « bouche ». Il désigne l’abouchement d’un viscère au niveau de la peau. La stomie est parfois appelée « anus artificiel ». Sa création s’effectue lors d’une opération chirurgicale. Ce n’est pas une situation rare : il y aurait 80 000 personnes vivant avec une stomie en France. Elles sont souvent temporaires et réversibles, posées pour une durée allant généralement de 6 semaines à 3 mois, et parfois définitives, devant être portées à vie. Tout dépend de la condition du patient et de sa pathologie. Dans 90 % des cas, la cause ayant mené à la mise en place d’une stomie est un cancer, notamment le cancer colorectal. Certains cancers, comme celui de l’anus ou du bas du rectum, peuvent mener à une amputation abdomino-périnéale, et donc obliger au port d’une poche de stomie pour l’évacuation des selles.
Parmi les maladies non-cancéreuses pouvant conduire à la mise en place d’une stomie figurent les MICI, les Maladies Inflammatoires Chroniques de l’Intestin, comme la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique. Enfin, chez certains patients souffrant de constipation chronique, une stomie peut être envisagée, mais cela reste une procédure exceptionnelle. C’est également une opération réalisée suite à certains traumatismes (accident, blessure par couteau, arme à feu ou par éclats consécutifs à une explosion).

Les différents types de stomies

Ces abouchements peuvent être pratiqués sur de nombreux organes. Ainsi, pour les personnes à l’œsophage très endommagé, une œsophagostomie est possible. La stomie de l’estomac s’appelle gastrostomie. L’œsophagostomie a pour but de préserver l’œsophage et la gastrostomie sert à alimenter une personne ne pouvant se nourrir normalement à l'aide de poches de nutrition ou de pompe à nutrition, impliquant un certain nombre d'accessoires. Mais les stomies digestives les plus courantes ont pour finalité l’évacuation des matières fécales. Il s’agit de l’iléostomie et de la colostomie. La première part de l’iléon, la partie finale de l’intestin grêle, la seconde fait aboucher le côlon à la peau. La consistance des matières sortant de la stomie variera avec sa localisation. Ainsi, une colostomie dite « gauche » est située vers la fin du côlon. Les selles et gaz émis par cet orifice sont très semblables à ceux sortant naturellement de l’anus. Dans le cas d’une stomie située sur l’hypocondre droit, au début du côlon, les matières fécales sont de consistance pâteuse et liquide. Dans le cas de l’iléostomie, les sécrétions digestives s’en écoulant sont très liquides et également très corrosives. Pour les personnes ayant une colostomie ou une iléostomie, les sécrétions digestives et selles normalement évacuées au niveau de l’anus passent désormais par la stomie. Le stomisé ne peut contrôler le passage de substance par la stomie. Il avait acquis tôt dans l’enfance la maîtrise de la défécation grâce aux sphincters, ces muscles de la zone anale permettant de retenir ou de laisser sortir les matières fécales. Il lui faut donc désormais porter presque en permanence une poche qui va recueillir les substances sortant de l’ouverture créée chirurgicalement. Cette poche doit être changée régulièrement et fait l’objet de soins spécifiques.

Les soins autour de la stomie

Le stomisé porte donc une poche destinée à récupérer les matières issues de la stomie. Celle-ci est fixée autour de la stomie, sur la peau, grâce à un support adhésif. La peau et la stomie doivent être régulièrement nettoyées et la poche vidangée et/ou changée.

La poche de stomie

Il existe deux grands modèles d’appareillage pour colostomie ou iléostomie : ceux à deux pièces (la poche se fixe sur un support adhésif indépendant situé autour de la stomie) et ceux à une pièce (la poche et le support adhésif ne font qu’un). Dans le premier cas, l’appareillage à deux pièces, la poche sera changée tous les jours, et le support tous les deux à trois jours. Dans le second cas, l’ensemble devra être changé quotidiennement. Chaque système a ses avantages et ses inconvénients. Le système une pièce est plus plat, moins visible, mais le système à deux pièces est moins irritant pour la peau, le support adhésif indépendant ne devant pas être changé à la même fréquence que la poche, ce qui préserve la peau. Pour un maintien renforcé de la poche de stomie, il existe la ceinture Brava de Coloplast.

Les poches de stomie elles-même peuvent être vidables ou non. Les poches que l’on peut vider conviennent pour gérer de forts volumes de matières digestives et fécales. Elles sont destinées aux iléostomisés, ainsi qu’aux colostomisés émettant beaucoup de selles de consistance liquide, par exemple lors d’une gastro-entérite. Les poches non vidables, « fermées », permettent de contenir de petites quantités de selles. L’organisme émettant également des gaz, ceux-ci passent aussi dans la poche. Ils sont évacués par une ouverture disposant d’un filtre qui va capturer les mauvaises odeurs. Ces poches doivent être légèrement pressées pour faire sortir les gaz à travers le filtre. Des poches sans filtre, équipées d’un système de valve, ont été mises au point.

Les poches de stomie peuvent être opaques ou transparentes, pour le confort visuel du patient ou à l’inverse s’il doit y avoir une surveillance de la consistance et de la couleur des selles.

Changer la poche

Le changement de poche et/ou de support s’accompagne d’un entretien de la peau et d’un nettoyage de la stomie. Ces opérations peuvent être réalisées par un infirmier. Mais il vaut mieux apprendre à faire soi-même ces soins, pour ne plus dépendre de l’infirmier et regagner en autonomie. Il existe des infirmiers spécialisés dans la stomie, appelés les stomathérapeutes. Ils sont en mesure d’accompagner les patients, leur apprenant à gérer la transformation de leur corps et ses conséquences ainsi qu’à réaliser les soins de la stomie de manière autonome. Il ne faut pas hésiter à les contacter pour se faire aider et acquérir les bons gestes.
Avant de faire le soin de la stomie, il faut réunir à portée de main le matériel nécessaire et s’installer confortablement à proximité d’un point d’eau. Avant toute manipulation, un lavage de mains est nécessaire. Il est aussi possible de porter des gants.
  • Le support, qu’il soit indépendant (système deux pièces) ou relié à une poche de stomie (système une pièce) va se fixer sur la peau autour de la stomie. Seule la stomie en émergera, la peau étant totalement recouverte. Les stomies étant de forme variable, il faut prédécouper le centre du support aux dimensions exactes de l’abouchement. Les ciseaux mousse incurvés permettent un découpage facile du support.
  • Pour faciliter le décollage de l’adhésif reliant l’appareillage à la peau, on peut utiliser un spray anti-adhésif, notamment de la marque BBraun.
  • La poche doit être jetée dans un sac poubelle. Si elle est vidable, son contenu doit préalablement être évacué dans les toilettes.
  • Une fois l’ancien appareillage ôté, la stomie et la peau doivent être nettoyées. A cette fin, il faut utiliser des compresses non stériles et de l’eau. La peau péristomiale (autour de la stomie) sera lavée à l’eau, à l’aide de la compresse, grâce à des mouvements doux et circulaires. La stomie elle-même sera nettoyée par tamponnage de la compresse. Attention, elle ne doit pas être frottée pour éviter les irritations. 
Il est possible d’ajouter du savon, si celui-ci ne contient pas de parfum irritant. Il faudra soigneusement rincer la peau et l’abouchement pour éviter de laisser des résidus de savon.
La zone sera ensuite séchée, toujours à l’aide de compresses.
  • Une fois la peau séchée, celle-ci peut-être apaisée et hydratée si elle est sensible et sèche, ou au contraire séchée si elle est trop humide. Il faut alors appliquer des solutions spéciales, hydratantes ou absorbant l’humidité sans diminuer l’adhérence de l’appareillage. Lorsque la peau est irritée et abîmée par le contact avec les matières fécales, l’application d’une poudre cicatrisante l’aidera à guérir et la protégera.
  • Un protecteur cutané doit être posé autour de la stomie, sur la peau. A cette fin, deux solutions sont disponibles : l’anneau de pâte, ou la pâte en tube. Dans le cas d’un appareillage une pièce, le protecteur cutané se pose autour de la stomie avant la pose de la poche. Si c’est un système deux pièces, le support se pose avant le protecteur, celui-ci servant à combler si une zone de peau reste découverte sur les bords de la stomie. Dans tous les cas, la peau doit être préservée du contact avec les matières digestives ou fécales.
  • Il existe également la ceinture pour renforcer le maintien des supports de poche de stomie, notamment de la marque Coloplast. Facile à utiliser, elle se présente comme une simple ceinture à passer autour de la taille. Elle est munie à ses deux extrémités de petits crochets qui viennent s'attacher dans les œillets du protecteur cutané. Elle se porte à même la peau assurant une discretion et un confort.
 
Un lubrifiant pour poche, parfumé, peut être rajouté dans la poche vidable. Il permet une meilleure évacuation des matières tout en laissant une odeur agréable. Il faut garder à l’esprit que la stomie n’est pas une plaie. Elle ne doit donc pas être désinfectée et elle n’est pas non plus douloureuse. En déplacement, il est possible de remplacer les compresses par du papier absorbant et l’eau par des dosettes de sérum physiologique.

La vie au quotidien

Le port d’une stomie n’est pas synonyme de repli sur soi et d’isolement. Elle est peu contraignante. Pour certains patients, une fois acceptée, elle est même un soulagement après des années de souffrance. Mais il peut être difficile de supporter le changement de l’image de soi, l’altération de l’intégrité physique et surtout la perte du contrôle de la défécation. La stomie est à l’origine de craintes multiples : peur du regard des autres, peur de la réaction du conjoint, peur des fuites et des mauvaises odeurs. Change-t-elle la sexualité ? Et comment se déroule la grossesse avec une stomie ? Pour mieux appréhender tous ces aspects et surmonter ses peurs, il est préférable d’en parler à un stomathérapeute qui saura vous aider. Parfois, la consultation d’un psychologue pourra apporter un appui utile. Enfin, il existe des associations de stomisés, des groupes de soutien au sein desquels il est possible d’échanger et de bénéficier de conseils.

L’alimentation

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la stomie n’impose pas le suivi d’un régime draconien. Pour les stomisés ayant eu à supporter un régime parfois extrêmement strict pendant des années à cause d’un trouble intestinal, la stomie a aussi signifié le retour à une alimentation sans interdits et souvent plus appétissante. En effet, l’alimentation sous stomie est pratiquement identique à celle des personnes sans appareillage. Il faut simplement veiller à bien s’hydrater, le côlon qui permet normalement la réabsorption de l’eau pouvant avoir été court-circuité par la stomie. Certains aliments sont susceptibles de provoquer des gaz, ou de constiper, ou de générer beaucoup de selles. Il faut donc les connaître pour s’adapter en conséquence.
  • Les aliments constipants sont le riz, les fruits secs, les bananes, les carottes cuites et les sodas.
  • Les aliments générant des gaz sont les légumineuses (pois, flageolets…), les boissons gazeuses, les œufs, les crucifères (choux…), et les oignons, échalotes et ail.
  • Les aliments à l’origine de grandes quantités de selles sont ceux riches en fibres : légumes, légumineuses et céréales complètes, ainsi que les fruits crus.
Des plantes permettent de soulager les problèmes de constipation ou de réduire les ballonnements. Ainsi, la rhubarbe et l’ispaghul s’utilisent contre la constipation et la matricaire, le thym ou l’aneth sont réputés en cas de gaz intestinaux.

Les activités physiques

La stomie ne limite que peu les activités physiques. Il est tout à fait possible de pratiquer des activités sportives mais après avoir demandé l’avis du chirurgien. 
Même la natation est accessible aux porteurs d’une stomie, à condition que la durée dans l’eau ne dépasse pas la demi-heure. Le filtre de la poche devra simplement être clos à l’aide d’un autocollant avant l’entrée dans l’eau. Les sports impliquant des contacts physiques potentiellement violents (rugby, sports de combat…) pouvant créer des traumatismes au niveau de l’abouchement sont à éviter. Le voyage est possible, mais demande un peu de préparation : poches de rechange (l’appareillage à une pièce est plus fin que celui à deux pièces et prend moins de volume dans une valise) et kits de soins doublés dans plusieurs bagages en cas de perte, adresses des aides médicales du lieu de destination susceptibles de vous aider en cas de besoin et documents explicatifs à fournir aux douaniers.

La vie de couple

La sexualité n’est pas interdite ou déconseillée après une stomie, l’appareillage étant capable de supporter le contact physique lors d’un rapport sexuel. Le sujet peut être parfois difficile à aborder, en particulier avec un nouveau partenaire, mais la personne porteuse d’une stomie ne se réduit pas à son abouchement et à son appareillage. Sa vie n’est pas centrée sur la stomie. Il ne faut pas hésiter à aborder le sujet avec son médecin ou un stomathérapeute.

La stomie n’est pas incompatible avec la grossesse ; il faudra simplement prévenir le personnel soignant et la stomathérapeute et adapter progressivement l’appareillage aux modifications du corps.

S’habiller

Il n’y a qu’une seule limitation en matière d’habillage : éviter les ceintures ou les vêtements serrant trop la stomie et son appareillage. Tous les vêtements peuvent donc être portés, y compris ceux près du corps. Il est toujours possible de vider la poche ou de s’orienter vers des mini-poches pour mieux dissimuler l’appareillage. Il faut simplement veiller à ce que les élastiques des vêtements ne compriment pas la poche. Des couvre-poche que l’on peut acheter ou fabriquer soi-même amélioreront l’esthétisme de l’appareillage et aboliront le contact direct de la poche avec la peau. La stomie n’est pas synonyme d’une diminution dramatique de la qualité de vie. Elle limite peu l’éventail d’activités à pratiquer. Elle peut être source d’inquiétudes et d’angoisses, mais des groupes d’entraide et les conseils d’un stomathérapeute permettent de mieux l’appréhender. Elle doit faire l’objet de soins simples à pratiquer, qu’il est préférable d’apprendre à réaliser soi-même.
A lire aussi : Rétention urinaire : le sondage et la stomie